La science-fiction post-apocalyptique est un sous-genre bien connu de tous, du fait de ses succès cinématographiques et vidéoludiques. Cependant, la littérature post-apocalyptique nous renseigne une fois de plus sur le rôle de « lanceur d’alerte » que remplit la science-fiction. Le post-apocalyptique va en effet plus loin que la dystopie. Ce que cette dernière ne peut montrer, conditionnée par des codes très stricts qui ont pour but de la rendre la plus plausible possible, est brisé par le post-apocalyptique. Il explore les grandes peurs des sociétés contemporaines, mais aussi leurs dérives, catalysées par la catastrophe. La science-fiction n’a pas pour but de faire la morale, mais d’interroger la réalité, de dépeindre, et d’expérimenter un faisceau de possibilités technologiques, politiques, sociales et humaines. En cela, le post-apocalyptique en général, tous supports confondus, adopte volontiers la maxime : « l’homme est un loup pour l’homme ».
Archives d’Auteur: Fabrizio Tribuzio-Bugatti
La bit-lit, ou l’antilittérature
La « bit-lit », littéralement « littérature mordante », est un terme popularisé par les éditions Bragelonne. Envahissant de plus en plus les rayonnages de librairies depuis quelques années, ce genre proliférateur soulève plusieurs questions d’éthique littéraire. Décrié justement par de nombreux lecteurs et écrivains comme un terrorisme littéraire dans la mesure où la bit-lit anéantirait plusieurs figures et codes de l’Imaginaire, son but demeure aussi très ambigu ; est-ce réellement écrire pour permettre l’évasion ? Ou, au contraire, la bit-lit participe-t-elle aussi à l’acculturation générale du fait qu’elle incarne, en littérature, l’abjuration culturelle au profit de l’Argent ? Comme susmentionné, c’est un genre inflationniste, dont l’absence de réelles qualités est souvent reproché, mais qui connaît un triomphe commercial sans limite, et donc propre aux caractéristiques de la culture de masse, ou même de l’hédonisme de masse, pour reprendre l’expression de Pier Paolo Pasolini. Lire la suite
Lovecraft, dernier sursaut du gothique
« Avez-vous peur du noir ? », voici la question que le maître de l’horreur pose à l’entame de son fameux essai Épouvante et Surnaturel en littérature, publié seulement en 1969 en France. À travers son ouvrage, Lovecraft nous dévoile l’art de la littérature gothique, les clefs de son succès, aussi bien commercial que littéraire, et surtout la manière de compenser ses faiblesses scénaristiques. Lecture frappante, celle-ci nous révèle en fait à quel point Lovecraft a épousé les codes du gothique pour les transposer dans sa propre œuvre. Après tout, R’Lyeh n’est-elle pas la vision d’un cauchemar cosmique du château hanté perdu au milieu d’une sombre forêt de Styrie ? Cthulhu n’est-il pas l’apothéose du monstre gothique sur lequel le lecteur fantasme tout au long de la nouvelle éponyme ? Le talent de Lovecraft est double ; avoir su renouveler efficacement les codes du gothique dans la création d’un genre qui se substituera à lui. Lire la suite
Au Bonheur des Dames, ou les prémices de l’anticonsumérisme
Au Bonheur des Dames d’Émile Zola est un roman qu’on ne présente plus. Publié en 1883, onzième volume de l’anthologie des Rougon-Maquart, ce tome nous entraîne dans le monde des grands magasins à l’heure où Paris entamait ses grandes transformations haussmanniennes. Si Zola s’est toujours défendu d’instrumentaliser le naturalisme à des fins dénonciatrices, le Bonheur des Dames laisse suffisamment de traces pour démontrer une dépréciation de la société de consommation à peine émergente grâce aux grands magasins qu’engendrent les chantiers parisiens. L’auteur fait la part belle aux impacts socio-économiques, de la frénésie des clientes à la disparition des petites boutiques au profit des chaînes de magasins qui conquièrent le marché. Toute la subtilité de Zola est alors d’user d’un ton strictement neutre dans ses descriptions, plaçant le lecteur dans le rôle du spectateur au milieu de la cohue bourgeoise dont il ne peut que constater la dépravation hédoniste. De là à dire que Zola fait grief aux prémices du consumérisme, il n’y a qu’un pas. Lire la suite