La Maison des Mages

Couverture des éditions Mnémos pour La Maison des Mages

Couverture des éditions Mnémos pour La Maison des Mages

La Maison des Mages, écrit par Adrien Tomas, est reconnue pour avoir été primée de nombreuses fois, notamment pour « les talents de conteurs » de l’auteur, lequel avait par ailleurs remporté le premier prix aux Imaginales de l’édition 2012.

Il y a en effet de quoi attirer le chaland quand on s’attarde sur la description de l’univers et la promotion même du livre. On nous promet un style inoubliable, grande force du récit, un univers parfaitement élaboré et des stéréotypes au second degré parfaitement assumés.

L’histoire de La Maison des Mages se situe dans le même univers que le roman précédent d’Adrien Tomas ; La Geste du Sixième Royaume. Il n’est toutefois, et heureusement, pas nécessaire d’avoir lu ce dernier pour comprendre les enjeux de sa suite, qui se déroule plusieurs centaines de siècles après !

D’ailleurs, pour en revenir à l’histoire à proprement parler, tout semble réuni aussi pour nous faire passer un moment de lecture des plus agréables : personnages attachants, aventures épiques et rebondissements à foison ! Disons-le carrément, Adrien Tomas et La Maison des Mages sont vendus comme le Saint Graal de la fantaisie française, à l’aide de moult panégyriques. Difficile d’être apparemment déçu à croire tous ces effets d’annonces. Toutefois, plus l’apologie est forte, plus les risques de décevoir sont grands aussi…

Couverture des éditions Mnémos pour La Geste du Sixième Royaume

Couverture des éditions Mnémos pour La Geste du Sixième Royaume

Autant le dire tout de suite. Oui, cette houle de publicité laudative est largement exagérée. La Maison des Mages et Adrien Tomas ne font pas état d’un style aussi épatant que promis et l’histoire n’est pas non plus le récit inoubliable que l’on attendait. Néanmoins, cela ne signifie pas que le roman est dénué de qualités, au contraire, mais il n’échappe au rien aux poncifs du genre, ce qui en fait une goutte dans l’océan.

Pour commencer, le style n’est pas celui d’un « conteur ». Le style de conteur à la particularité de paraître d’une part intemporel, et d’autre part de véritablement donner l’impression de raconter une histoire. Ici, le style n’emprunte pas du tout aux tournures stylistiques si particulières du conte et l’on comprend tout de suite que ce n’est pas la prétention de l’auteur. On ne peut donc que déplorer le faux-sens promu par l’éditeur et la publicité qu’il nourrit. Clairement, il n’est non plus pas comparable à celui de Jaworski. Il se laisse lire et, s’il recèle parfois des passages intéressants, il est clair qu’on ne retiendra pas La Maison des Mages pour le style d’Adrien Tomas. Il se borne effectivement à remplir son rôle de « porte » du récit, simple, sans fioritures, avec des maladresses parfois.

Le fond est bien plus intéressant en réalité, même s’il est balisé de clichés. Les nains, les elfes (dont l’extinction semble être à la mode depuis la sortie de Dragon Age : Origins, jeu vidéo de Dark Fantasy qui fait la part belle à la décadence des peuplades qu’il renferme) et d’autres races que l’on a déjà vus et revus. D’ailleurs, il est frappant de constater à quel point les inspirations dans lesquelles Adrien Tomas a pioché ses idées nous apparaissent avec tant d’évidence. La Maison des Mages est effectivement un condensé du jeu cité plus haut, mais aussi d’autres médias vidéoludiques ou littéraires, tel que Le Seigneur des Anneaux (l’un des personnages étant un pur et complet calquage de Gandalf).

Malgré ce que ces constats prêtent à penser, lire La Maison des Mages n’est pas une perte de temps inutile. Les personnages principaux demeurent le véritable attrait du récit. Ils sont certes stéréotypés, mais ne vaut-il pas mieux user de stéréotypes, faciles à maîtriser et qui impactent toujours vertueusement sur le lecteur qui s’y reconnaît tout de suite, plutôt que d’échouer à innover ? C’est là le paradoxe de La Maison des Mages ; l’auteur a tenté l’innovation par l’utilisation de stéréotypes. Cela n’a pas vraiment fonctionné. À la lecture, l’on se rend bien compte de la particularité du récit, mais le potentiel qu’il renferme est hélas noyé par un classicisme si prégnant qu’il donne l’impression que l’auteur était effrayé à l’idée de sortir des sentiers battus. Si des personnages comme Tiul, apprenti mage éternellement recalé, implicitement lubrique et porté sur la bouteille est très intéressant à suivre, il se retrouve malheureusement exploité dans des situations de déjà-vu. Des redites qui ponctuent l’intégralité du récit et qui constituent parfois les rebondissements mêmes. Vous avez parlé d’un traître qui se fait découvrir au moment où il se fait accepter par le groupe ? Gagné ! Ou encore de la tentative de rédemption parce que finalement il a découvert la valeur de l’amitié ? Gagné encore une fois !

Adrien Tomas

Adrien Tomas

Le problème de La Maison des Mages est précisément cet esprit-là, que l’on ne sait s’il tient plus de la frilosité de l’auteur à innover par peur de voir son manuscrit être refusé, ou tout simplement parce qu’il en est incapable. Et pourtant, le récit est truffé de bonnes idées. L’antagoniste principal par exemple. Sans cesse décrit comme foncièrement mauvais et même maléfique par ses détracteurs, alors qu’objectivement il est tout simplement impossible de ne pas prendre son parti. Lequel est-ce ? Au risque de vous spoiler (quoiqu’on l’apprend assez tôt dans le récit), ce dernier ne désire rien d’autre que de permettre à l’Humanité de vivre selon ses propres choix. Pourquoi une quête si altruiste ? Parce que le bougre s’est fait maudire pour avoir refusé l’obédience qu’on avait choisie à sa place, le contraignant à servir un camp qu’il ne cautionnait pas. Pour avoir osé faire prévaloir son libre arbitre, il est devenu une sorte de pseudo-vampire doublé d’un magicien immortel. Et bien entendu, comme il s’agit du « méchant », il finit par perdre, et mourir… Empruntant ainsi le chemin le plus stéréotypé de la fantaisie : les gentils doivent gagner et le méchant perd en mourant.

Alors certes, les personnages, suite à son décès, s’interrogent sur le bien-fondé de leurs actes, mais la morale apparente est bel et bien que le libre-arbitre, c’est mal. Tout bonnement. Sinon, à quoi bon avoir fait mourir l’antagoniste, si ce n’est parce que, selon l’auteur, il a tort, car forcément « méchant » ? Ou est-ce pour montrer un panurgisme latent chez ses propres protagonistes, en miroir de notre société ? Sauf que la réflexion paraît si capillotractée au vu du récit qu’on émet de fortes réserves quant à sa pertinence…

En bref, La Maison des Mages constitue l’un de ses récits qui, malgré ces défauts, est plaisant à lire, mais dont on retiendra avant tout le potentiel desservi par des stéréotypes vendus comme « assumés »… Pourtant, quitte à les assumer totalement, autant aller dans la caricature et servir un récit comique, comme le fait Pratchett avec ses Annales du Disque-Monde, où le cliché sert le récit de manière effective. Adrien Tomas semble donc encore à ce stade où l’on capte les nombreuses idées, mais encore trop conditionné par ses lectures et le marché éditorial pour parvenir à s’écarter vraiment du « moule » commercial de la fantaisie.

À propos de Fabrizio Tribuzio-Bugatti

Juscagneux, souverainiste pasolinien. Rédacteur en chef de la revue Accattone et président du Cercle des Patriotes Disparus. Voir tous les articles par Fabrizio Tribuzio-Bugatti

2 responses to “La Maison des Mages

  • Bruno Roch (@BrunoJohnRoch)

    Merci ! De toute façon je n’avais pas l’intention de le lire ! J’espère que tu vas bien. Envoie moi un petit SMS, je n’ai plus ton numéro. Quel âge à l’auteur ?

    • Fabrizio

      Pas de souci, je te l’envoie encore ce soir ! L’auteur approche de la trentaine(1986 d’après sa page Facebook), c’est sous la moyenne d’âge des auteurs édités pour la première fois, qui est autour des 35-40 ans…

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