Satanachias. Le titre annonce déjà la teinte de ce qui va s’ensuivre. Ce recueil de Christophe Lartas comprend quatre nouvelles étalées sur 90 modestes pages et s’inscrit dans la lignée de ces œuvres tout bonnement inqualifiables, tant elles sont imprégnées de surprises et autres idées quintessenciées.
Une histoire, un protagoniste principal, un concept. ( A chaque fois original, signe d’une verve étincelante de l’auteur, n’en doutez pas ) Et d’ailleurs, ces personnages possèdent, d’une épopée à l’autre, beaucoup de semblances » caractérielles. » L’un projette maintes pérégrinations dans le but de rencontrer le Cornu et, – ça coule de source, taper la discut’ par la même occasion ; l’autre discourt sur la société de (sur)consommation ultramoderne à l’excès ( dont il est fidèle ) juste avant que celle-ci ne subisse une décrépitude quasi-totale ; le tiers tente d’élucider un mythe remontant à l’âge féodal, ( mais va vite déchanter et comprendre qu’il aurait mieux fait de rester chez lui, le cul posé auprès de sa chère épouse ) et le dernier, quant à lui, compte bien s’enfuir définitivement de sa ville aux fondements carrément méphitiques. Bon, dit comme ça, impossible de faire de quelconques rapprochements, mais plutôt que de blablater, je vous invite affablement à vous procurer ce recueil, le lire, et constater par vous-mêmes, hein ! ( Début de chronique, et me voilà déjà en train de prendre la posture d’un vendeur… )
Mais qu’il s’agisse d’une quête démiurgique ou simplement d’un moyen d’échapper aux griffes peu aimantes du destin, ils ( les gugus inventés par Lartas ) apportent fréquemment des réflexions cerclées de misanthropie. De par leurs actions, leurs paroles, à leur su ou insu, ils sont et restent esseulés, gardant sous la veste des desseins profondément antisociaux. Dénués de tout humanisme mais ayant toutefois encore un zeste d’humanité dans leurs veines, sujets à une déréliction inconcevable, ils consacrent leurs heures à chercher sens à tout un tas d’éléments qui dépasse leur entendement, délaissent leur existence au profit d’idéalismes inaccessibles, de cette poursuite insensée vers la connaissance absolue, ou, plus brièvement, vers l’inconnu. Et à chaque fois, leurs découvertes terribles les font sombrer ( Dans quoi ? Mystère. ) parce qu’entre autres, elles reflètent leurs versants les plus malsains. Les thèmes coïncident, Lartas semble mettre copieusement en avant les facettes ignominieuses de l’espèce humaine, son caractère délétère envers le monde. Peu importe le personnage, aux prises avec des forces supérieures, il ne saurait comprendre, ni même appréhender son libre arbitre. D’un univers qui le dépasse, isolé ou en pleine nature sur notre petite sphère en comparaison infinitésimale et insignifiante lorsqu’imbriquée dans l’infini, le résultat final est le même : lorsqu’un individu effleure une portion de vérité cosmique, la vésanie le gagne. La claustration de l’âme d’un homme, en a-t-il seulement une ? – au sein d’un cloaque où la raison n’a plus sa place, ou bien la liberté, n’est-ce qu’un leurre parmi d’autres ? – d’un esprit insatisfait qui incessamment foule des hectares irisés de plantes et de fleurs ensoleillées dans l’espoir d’embrasser le savoir ultime, de comprendre pourquoi la matière fut et le temps fuit. Lequel possède le sort le plus enviable ? ( Tatata, c’est purement rhétorique. Si t’as pigé quelque chose à mon interrogation, tu devrais toi aussi avoir la réponse. Autrement, il ne fait rien, laisse mes galimatias de côté ! )
Les bons cœurs et autres philanthropes qualifieront ce livre de monstruosité, ( qu’à cela ne tienne ! ) où violence/abjection gratuite et décors chimériques se nouent et se dénouent à volonté sans laisser l’œil s’adapter ni même se reposer. On a vite fait de boucler la lecture, ( même si je dois admettre que, par instants, cela peut très vite devenir un véritable casse-tête langagier… gardez vos dictionnaires à portée ! ) et pourtant notre discernement s’en trouve altéré à jamais. Les trames succinctes se succèdent, étoffées par un luxuriant style qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler certaines grosses têtes de la fantasy ( celle du début XXème, je précise. ) Ainsi, c’est sur fond tantôt onirique tantôt lovecraftien que se déroulent les différents récits. Au final, Christophe Lartas n’a besoin que de son talent et de son stylo pour engluer l’attention d’un esprit curieux. Rien de plus, rien de moins. Il sait comment injecter au corps fiévreux le malaise littéraire et à la conscience amollie un peu de plasma métaphysique, et il le fait ( en plus ) avec brio, là où tant d’autres écrivains ont échoué malgré des myriades de tomes pondus. ( On appelle ça des sagas, je crois. ) Sa maîtrise du genre est stupéfiante. Chaque texte, plongé dans la ténèbre la plus aveuglante, oscille entre conte et prose poétique, garni de symboles qu’il convient de déchiffrer et de pensées qui pourraient, au final, appartenir à Mr. tout le monde.
Retrouvez les œuvres de Lartas sur le site de la clef d’argent :
Résumé : Untel traversait des pays de sel et de feu, de neige et de lave ; des déserts miroitants et grisants, des steppes fantomales et des mers de tourmente. Il apprenait à vivre au jour le jour, que ce fût sur des cimes de glace ou dans des gouffres de sable; sous des soleils de plomb ou des pluies de déluge. Il avançait encore et encore, et toujours plus loin, au travers des marécages glaucescents et tièdes ou des bois calcinés aux branches charbonneuses et sournoises. Il ne comptait plus les heures ni les jours, les mois ni les années; il ignorait le Temps. Il ne songeait que très rarement à son âge, à sa vie passée ou à la femme qu’il aimait et qu’il avait pourtant quittée… Il allait de l’avant, tout simplement. Il allait au bout du monde, à la recherche du Diable…
23 juin 2013 at 08:37
bonjour Necryos,
« mes » lecteurs sont trop rares — et qui plus est des lecteurs de ton calibre — pour que je ne m’extirpe pas d’une certaine réserve « asiocale » afin de te remercier pour ton bel article… Un article remarquable oui, qui démontre avec brio et intelligence (surtout pour un « jeunot » de 20 ans), avec ta propre sensibilité littéraire et ton propre univers intérieur (c’est ce qui fait la magie de la lecture), que tu as compris, et senti, l’essentiel de ce livre… Et la touche d’humour n’y enlève rien, au contraire!…
encore merci d’avoir pris de ton temps pour essayer de faire à ta façon que ce livre ne soit pas totalement noyé dans la masse de la « littérature » industrialo-commerciale…
à un de ces jours, peut-être…?
24 juin 2013 at 17:41
Bonjour, m’sieur Lartas !
Je n’aurais jamais pu penser que vous réagiriez en conséquence, ne fût-ce même pour moi qu’un instant nocturne carrément fantasmé. Je suis pour le moins étonné, sinon stupéfait, mais également allègre puisque grand admirateur de vos créations. ( Mais ça, vous le savez déjà, cela doit se ressentir dans ladite chronique… Du coup, tout ce que je viens d’écrire n’a aucune sorte d’intérêt. Ma dilection risquerait-elle de me perdre en chemin ? ) Ce n’est pas à vous de me remercier, loin s’en faut, mais plutôt à moi, pour les mots que vous avez offerts à ce monde et qui n’ont visiblement ( et surtout malheureusement ) pas encore reçu l’égard littéraire qu’ils méritent tant. Merci à vous de m’avoir apporté quelque moment d’évasion durant nuit et jour, de m’avoir donné l’occasion de flâner au-delà de tout décor existant, jamais auparavant je n’ai pu goûter une expérience aussi originale. ( Et encore, je pèse mes mots. ) J’ose espérer qu’un jour, votre notoriété se forgera un tant soit peu. Et puisse votre talent brasiller dans maintes fantastiques librairies. Mais, probablement ne cherchez-vous pas le succès, ce n’est pas votre but premier, je me trompe ? Cependant, l’estime est bien différente de la gloire, cette dernière n’apportant en général que vanité. Chaque auteur a, – ça n’engage que moi, pour désir d’être lu et apprécié d’un certain lectorat, mais lorsque celui-ci devient trop important, bien souvent, l’écrivain perd ses moyens ou décide de changer radicalement de perspectives… Je ne sais pas si vous me suivez, je suis un peu confus, ( en même temps, ça peut se comprendre, je suis votre plus grand fan * mièvrerie nauséabonde * ) mais la popularité dévie parfois celui qui en est affecté vers d’autres [ superficiels ] sentiers de l’écriture… pour plaire davantage, par exemple. Alors peut-être vaut-il mieux que notre travail soit affectionné d’un petit nombre, histoire de ne pas perdre pied, et d’être sûr de notre destination. Au fond, je n’en sais rien, ce ne sont que les extrapolations sabrées de l’adulescent que je suis. Ma digression assommante se termine là. Tout ça pour dire : ne changez pas, vos pensées, vos réflexions, votre imagination que vous servez avec tant de passion au fil des pages se doivent de rester intacts. Votre style transmet à la perfection les multitudes de mondes qui font écho au nôtre. Ses paradoxes, ses controverses… Je suivrai vos projets encore longtemps, vous pouvez en être certain.
En espérant pouvoir discuter avec vous à l’occasion. ( Il serait un plaisir immense pour moi. )
A bientôt.
25 juin 2013 at 09:11
rebonjour Necryos,
tout d’abord, il faut que tu saches que je n’ai pas d’ordinateur personnel d’où mon temps de réaction qui pourrait être le plus souvent espacé… Mais revenons à ta réponse, riche en substance, et donc impossible de répondre d’un coup à celle-ci, ce qui m’embarquerait dans des phrases parfois interminables… Ceci dit, j’insiste et persiste : je te remercie pour ta belle chronique (à ce propos, jette un coup d’oeil au « dossier de presse » sur le site de la clef d’argent : tu vas avoir une agréable surprise, je pense, car mon éditeur est tout à fait d’accord avec moi sur la qualité de ton article) — je ne vais pas m’étendre sur le chemin de croix littéraire que vivent depuis toujours les écrivains dans mon genre (esseulés et à contre-courant de leur « chère » époque) afin de ne pas refroidir ta passion pour l’écriture, mais sache-le tout de même : la magie de la littérature ne peut s’opérer qu’avec la lecture ; d’où l’importance de réactions comme la tienne (authentique lecteur et, au surplus, écrivain en herbe et peut-être futur écrivain tout court) pour moi… Et c’est justement ton enthousiasme et ta compréhension particulière du texte, détrompe-toi, qui font tout l’intérêt de ta chronique : ne sais-tu pas que pour la survie d’une oeuvre littéraire 100 « grands » lecteurs comme toi ont bien plus de poids, à la vérité, que 10 000 lecteurs lambda?…
J’arrête là car, je te l’ai dit, ta réponse pose trop de questions pour que je puisse y répondre d’un coup… Et, oui, je suis partant pour discuter avec toi à l’occasion, sans problème : mais comment s’y prend-t-on? As-tu mon adresse internet, visible pour moi? Et comment pourrais-je avoir la tienne?… Il est de fait que je suis assez nul dans ce domaine…
à plus tard, donc…?
26 juin 2013 at 16:29
(Re)bonjour !
Je me suis permis de vous contacter directement par mail. J’en ai donc profité pour inclure dans celui-ci ma réponse à votre commentaire, qui, je dois dire, m’a percuté d’émoi, puisqu’étant sur le point de vous envoyer une épître, je me suis ravisé ; ( Blague de mauvais goût à part. ) je pense qu’il convient de rendre cet échange privé, si vous n’y voyez pas d’inconvénients.
En attendant votre réponse, je vous souhaite une agréable journée estivale. Au plaisir de reprendre cette discussion en terrain confidentiel.