Le titre peut paraître agressif, mais il ne recèle pas moins une réalité. Si la « Sci-Fi » a connu ses heures de gloire dans les années 70, notamment grâce à Vance, Dick, Asimov, Star Wars et autres Alien, la Fantaisie s’impose toujours dans le genre de l’Imaginaire, que ce soit en littérature ou au cinéma.
L’on peut avancer sans risque que la fantaisie moderne doit énormément à Tolkien. Ce dernier a concentré dans son univers, surtout au travers du « Seigneur des Anneaux », tous les codes de la fantaisie réutilisés par les auteurs postérieurs à ce grand écrivain.
En effet, l’on constate que ces mêmes codes ne se sont guères renouvelés, certains parlant même de « tolkienisme », non sans être railleurs. Plusieurs raisons justifient cet état de fait.
Les codes de la fantaisie ne s’attachent pas uniquement à la forme élaborée par Tolkien, au sens où une pluralité de races présente dans l’œuvre se bornerait aux seuls nains, elfes, humains et orcs avec les mêmes codes sociaux et relations sociales entre chacune d’elle (et inspirés de la mythologie germanique). L’on trouve aussi le même schéma scénaristique, généralement manichéen ; à savoir généralement un « seigneur du mal » que le héros doit forcément renvoyer ad patres, seul ou accompagné de personnages divers représentatifs de l’univers (compagnie ou compagnons qui peuvent aussi bien être ponctuels que présents du début à la fin).
Cette pierre posée, des dizaines et des dizaines d’écrivains ont fréquemment repris ces axes sans vraiment les modifier. D’autres y sont allés de leur recyclage. Soit en transformant les codes en préjugés dans leur univers pour y intégrer une dimension racialiste assumée (notamment dans la Dark Fantasy), soit en inventant des substituts aux archétypes tolkienistes. Comprenez par-là que l’on ne méjuge pas forcément de la qualité de l’ensemble des œuvres de fantaisie, mais de l’originalité.
Les arborescences qui ont fait leur apparition sont très peu nuancées. Ainsi, la différence entre heroic-fantasy et dark fantasy demeure dans le traitement, non sur le fond même de l’histoire, du moins pas nécessairement. La Dark Fantasy se veut en effet dépouillée de toute forme de manichéisme, quoiqu’il est encore possible de débattre là-dessus (si les personnages sont des antihéros et que les relations sont plus matures, voire crues, il n’en reste pas moins que l’antagoniste principal est souvent dépeint comme foncièrement maléfique). De plus, elle se concentre souvent sur des aspects sociaux que la fantaisie n’aborde pas en général ou l’attitude des personnages qui n’est pas conforme aux canons véhiculés habituellement.
À l’opposé de la Dark Fantasy se trouve la Light Fantasy, sous-genre où l’humour prime et dont le meilleur exemple est incontestablement l’œuvre immense de Terry Pratchett : « Les annales du Disque-Monde ». D’autres sous-genres existent bien entendu, mais ils n’apportent pas grand-chose au genre. Il s’agit plus de donner sa petite étiquette parce que dans telle œuvre le héros est seul et dans l’autre accompagné, ou parce qu’il y a présence ou absence d’autres races ou de magie dans l’univers (comme c’est le cas de Games Of Thrones).
Le tableau dressé, s’il semble aussi sombre que caustique, n’est toutefois pas définitif. Si le flot de traductions étasuniennes dont les maisons d’édition dites « majors » ou « indépendantes » (plus précisément celles qui se disent « indépendantes » alors qu’elles pratiquent une politique éditoriale et économie identique à celles des majors dont elles sont censées être le négatif) nous submergent, il n’en reste pas moins que certains auteurs français font tout pour s’en démarquer.
Le meilleur exemple reste les récits de Jawoski se déroulant dans le Vieux Royaume, où il met l’accent sur le réalisme historique. Gagner la Guerre brosse une fresque largement inspirée de la Renaissance italienne, de l’architecture de Ciudalia (qui emprunte aussi bien à Venise qu’à Florence et Gênes), que les intrigues politiciennes, incarnées magistralement par le très machiavélien Leonide Ducatore. De même que la forme ressuscite un style que l’on croyait perdu car banni par plusieurs éditeurs ; à savoir ample, riche, mêlant agréablement une verve caustique à un vocabulaire vieillot débité par son personnage principal, qui nous fait souvent sourire au fil des pages. C’est cette volonté de refuser les lieux communs de l’heroic-fantasy et le traitement de l’œuvre qui en font tout son sel, et l’on peut regretter que ces auteurs ne soient pas mis en avant par l’oligopole de l’édition.
Il en est de même pour la Science-Fiction, ou ce n’est même pas la forme, mais littéralement le genre qui est délaissé. Si les traductions d’auteurs étasuniens, là encore, sont nombreuses, les auteurs français sont ignorés pour la plupart, les éditeurs considérant qu’il n’y a plus de lectorat affidé et donc aucune rentabilité possible. C’est d’autant plus dommage que, contrairement à la fantaisie, la Science-Fiction comprend des sous-genres largement différents les uns des autres ; du steampunk et ses machines à vapeurs hyper développées au cyberpunk glauque, en passant par le space-opéra, l’on est sûr de trouver son compte dans ce large éventail.
De même, l’on peut arguer que la fantaisie elle-même n’est qu’un sous-genre de la Science-Fiction. Star Wars est le cas le plus emblématique, car il comprend cet élément quasi métaphysique que l’on pourrait croire propre à la fantaisie : la Force. Battlestar Galactica démontre la même chose, au sens où la religion, la présence d’anges et l’action supposée de Dieu, influe sur le récit. En bref, un récit, littéraire ou cinématographique, de Science-Fiction peut comprendre des éléments de fantaisie tout en restant ce qu’il est. La réciproque n’est pas vraie. Incorporer un élément de Science-Fiction dans un récit de fantaisie va forcément l’y ramener. À différents degrés, bien sûr, mais tout de même.
Il serait cependant injuste d’achever cet article en jetant la pierre au seul genre de la fantaisie. Comme répété à plusieurs reprises, l’absence d’originalité dans la majeure partie des œuvres diffusées n’entache pas forcément la qualité du fond ou de la forme du récit, mais il entretient cet éternel goût de déjà-vu, qui fait qu’on ne se plonge pas forcément avec intérêt dans l’histoire. Plusieurs œuvres de Science-Fiction sont aussi concernées, évidemment, mais celle-ci peut néanmoins se targuer d’avoir une palette de sous-genre plus diversifiée.
Enfin, la préférence d’un genre à l’autre n’est pas la faute des auteurs, mais d’un oligopole éditorial qui raisonne en terme de vente, de rentabilité potentielle d’une œuvre, et ce au détriment de la qualité qui devrait être le premier facteur de décision d’un éditeur et non à titre accessoire. Cela a pour dommage d’engendrer des cycles d’éditions où un genre littéraire sera privilégié à un autre pendant un temps T qui dure généralement plusieurs années, avant d’entamer un autre cycle où ledit genre sera abandonné au profit d’un autre, et vice-versa. En clair, c’est la politique éditoriale qui est subordonnée à la politique commerciale.
16 mai 2013 at 20:10
hello, je tenais à te feliciter pour la pertinence des articles de ton blog ! j’édite moi aussi un blog depuis peu et j’espère pouvoir faire aussi bien 🙂 A bientôt, ZAK
19 mai 2013 at 22:29
Merci bien 🙂